Choisir son accompagnante en 10 questions

Voilà un choix qui mérite prospection et réflexion : vous allez accorder à une personne généralement inconnue jusque là votre confiance dans un moment de grande force mais aussi de grande vulnérabilité, vous allez lui ouvrir l’espace de votre intimité et lui donner le privilège d’assister à un des plus grands moments de votre vie, personnelle, conjugale et familiale. Autrement dit, pas une mince affaire!

L’accompagnement à la naissance fait l’objet d’un engouement certain tant du côté des parents, désireux de s’approprier leur accouchement, que des aspirantes accompagnantes vendues à la cause de l’humanisation des naissances. Mais du chemin reste à faire pour que la profession soit reconnue et établie. Les débats font rage au sein de la toute jeune Association Québécoise des Accompagnantes à la Naissance quant à la nécessité de nous doter de standards, de formation et de pratique, en attendant d’avoir un jour, peut-être, un ordre professionnel. À l’heure actuelle, les centaines d’accompagnantes à la naissance en circulation (et les effectifs sont croissants) forment un ensemble très hétérogène. Certaines ne pratiquent qu’auprès de leurs amies, d’autres en ont fait leur métier à temps plein.

Je partage ici ce que devraient être, à mes yeux, les questions qu’un couple gagnerait à se poser pour identifier la perle qui saura les accompagner avec cœur mais surtout professionnalisme dans la naissance de leur enfant. Elles devraient permettre aux parents d’évaluer si leurs attentes et besoins cognent à la bonne porte.Cet exposé n’engage que moi et révèle mes convictions et les balises qui dictent ma pratique. Il est très probable qu’il soulève des critiques de la part de collègues en ayant d’autres, de convictions et de balises.

Avant toute chose : s’y prendre TÔT!

C’est évident mais vu le nombre d’appels que je reçois de femmes ayant franchement dépassé les trente semaines de grossesse, et que je dois refuser par manque de disponibilités, il faut le rappeler : plus tôt vous faites affaire avec une accompagnante, plus tôt vous bénéficiez de ses services! Elle saura vous aider à surmonter les nausées du premier trimestre, à relativiser ou à prendre au sérieux les contractions de Braxton-Hicks que vous aurez peut-être dès le second, et elle vous donnera tout plein de conseils de lectures et de films que vous apprécierez de déguster à votre rythme plutôt que dans un sprint affolé au 9e mois. Une accompagnante, c’est une mine d’informations, de références de thérapeutes, et de paroles avisées. Vous la payez pour ça, autant en profiter le plus longtemps possible!

La seconde raison pour laquelle vous devriez vous y prendre tôt, c’est qu’une accompagnante d’expérience vit dans un feu roulant d’accouchements. Son horaire est souvent rempli des mois à l’avance (dans mon cas, 5 à 6 mois, voire plus), et si en plus votre bébé s’annonce pour juillet-août ou pour les fêtes de fin d’année, le bassin d’accompagnantes disponibles se réduira considérablement. Premier arrivé, premier servi! Et une accompagnante qui vous ménage une petite place dans un emploi du temps très plein ne vous rend pas service : elle augmente vos probabilités de tomber sur sa relève, si elle en a une…

 

  1. Sera-t-elle disponible? A-t-elle une relève?

Mes collègues s’accordent sur le fait qu’une accompagnante humaine (qui fait passer sa famille au premier plan plutôt que la vôtre, signe, me semble-t-il, d’une personnalité équilibrée et crédible dans le métier qu’elle s’est choisie) peut difficilement assurer plus de quatre accouchements par mois, moins si elle exerce un autre métier en parallèle. Certaines en font plus. Elles ont sûrement des supers pouvoirs que je n’ai pas, comme dormir sur une chaise en un claquement de doigt ou péter la forme en enchaînant les nuits blanches dans l’aride climatisation hospitalière, et ne pas se mêler dans le sexe des bébés en gestation quand on donne 24 rencontres prénatales et 12 postnatales en dix semaines. Ou elles n’ont pas/plus de famille à leur charge. Ou elles posent comme condition de vous rejoindre après 6 centimètres de dilatation seulement.

Une accompagnante honnête doit garantir à ses clients qu’ils seront accompagnés quoi qu’il arrive. Même Superwoman a la gastro, parfois. Et avec 4 accouchements par mois, statistiquement, il reste toujours 5% de chances que deux se produisent simultanément. Et Superwoman-qui-ne-dort-jamais n’a pas le don d’ubiquité. Elle doit donc vous parler de sa relève et même en avoir plusieurs, partageant la même vision et éthique de l’accompagnement, et au fait de votre dossier (à l’exclusion de toute autre personne).

 

  1. Est-ce que ça clique?

Lors de la rencontre d’approche gratuite, l’accompagnante vous écoutera parler de vos attentes, et présentera l’étendue de ses services et les modalités de sa pratique. Officieusement, mais c’est primordial, cette rencontre sert à vérifier votre compatibilité. Et celle-ci est réciproque: aurez-vous le goût d’être accompagnés par une personne qui masque son inimitié sous couvert de professionnalisme? La clé d’un accompagnement réussi réside dans le lien de confiance qui s’établit lors des indispensables rencontres prénatales (si vous avez pensé réduire vos coûts en zappant une, deux ou toutes les rencontres prénatales parce que vous avez déjà accouché, parce que vous n’avez pas le temps, parce que vous avez déjà tout lu-tout su, repensez-y sérieusement). Si vous avez la moindre réserve en prénatal, continuez à rencontrer des accompagnantes jusqu’au coup de cœur.

 

  1. A-t-elle une entente de service sérieuse?

Un contrat, ça protège les deux parties. Une accompagnante lucide et expérimentée est consciente des risques spécifiques à une profession fricotant avec l’imprévisible, et prêtant particulièrement le flanc aux « et si… » rétrospectifs. Elle connaît les limites humaines de sa pratique, elle en envisage les conséquences et en protège les parties prenantes. Une entente de service qui tient la route et qui a été éprouvée (et idéalement approuvée par un représentant de la Loi) doit stipuler la nature des services rendus, les modalités d’exercice (frais, politique d’annulation et de remboursement, relève, cas particuliers…) et les responsabilités endossées par chacun. Une accompagnante respectueuse prend le temps de la dépiauter avec vous et de s’assurer que chaque point a été compris.

Même si le contrat verbal a valeur légale au Québec, une entente de service signée est pour moi un gage de sérieux et de sens des responsabilités.

 

  1. Comment voit-elle son rôle?

Il doit être très clairement circonscrit. Une accompagnante fournit un support physique et émotionnel au couple en travail. Elle a reçu une formation en relation d’aide et non en obstétrique. Même si son expérience des accouchements la dote d’un flair certain et qu’elle est bien placée pour décrypter ce qui est en train de se jouer et vous orienter, elle ne prend aucune décision médicale, et n’assume pas les vôtres. Elle ne pose aucun geste clinique tel que des touchers vaginaux, n’en déplaise aux collègues qui l’incluent à leurs risques et périls dans leurs services. Une accompagnante n’est pas une sage-femme, et si elle l’était dans une autre vie, elle doit réviser son rôle ou s’entendre avec ses clients sur son étendue (à vous de voir si vous êtes à l’aise de flirter avec l’exercice illégal de la médecine).

 

  1. Quelle(s) formation(s) a-t-elle reçue?

Je suis convaincue qu’une bonne accompagnante doit être avant tout capable de doser empathie et sensibilité pour être à vos côtés dans un accouchement qui vous ressemble, dans un respect absolu du rythme de la naissance autant que des choix qui y président. Elle doit savoir s’effacer, décoder les gémissements et les mouvements, écarter une mèche de cheveux et poser une compresse bienfaisante au bon endroit et au bon moment. Et ça, ça ne s’apprend pas dans les livres ni dans une classe, mais dans les naissances auxquelles elle est invitée. Ultimement, c’est sa conviction que vous êtes capable d’accoucher, le sentiment de sécurité qu’elle vous inspire et votre lien de confiance qui feront la différence. Que vous importe que votre accompagnante soit une pro du shiatsu ou une ostéopathe chevronnée si elle ne parvient pas à vous ramener dans vos rails si vous dérapez (et on dérape, croyez-moi, parfois plus d’une fois) ou si elle vous apparaît subitement comme une intruse?

Mais être une belle personne pleine d’humanité et/ou être soi-même déjà passée par là ne suffit malheureusement pas. Non, tout le monde ne peut pas être doula. La formation de base porte bien son nom et elle est indispensable. Personnellement, je ne peux pas m’en contenter, et je la complète année après année par des modules de formation continue plus pointus (grossesses multiples, AVAC, Premiers Secours…), des échanges entre pairs, des conférences, des lectures…

Enfin, attention à la bannière sous laquelle exerce votre accompagnante si celle-ci porte plusieurs chapeaux. Si elle vous recommande de boire du framboisier ou de l’ortie, fine. Mais si elle vous parle d’actées bleues et de menthe pouliot sans être qualifiée en herboristerie, méfiance…Une bonne accompagnante vous réfère prudemment lorsqu’elle ne se sait pas compétente.

 

  1. Quelle place laisse-t-elle au père?

Comment envisage-t-elle son rôle en relation avec les autres personnes impliquées dans la naissance, à commencer par le papa (ou la conjointe)? Une accompagnante doit tout de suite rassurer ce dernier s’il craint de se faire remplacer: là n’est pas son rôle, au contraire! Une doula permet au papa de prendre toute sa place, en général plus grande et surtout plus gratifiante que s’il n’était pas accompagné. Elle l’outille en prénatal, l’informe des réactions possibles de sa conjointe pour qu’il sache l’épauler au mieux, le relaie si tout son être crie famine ou épuisement, et elle le soutient moralement et physiquement (et oui, les massages, ce n’est pas seulement pour la maman). Elle est la gardienne de l’intimité du couple et s’éclipse à la naissance du bébé pour revenir un peu plus tard, au moment de la première tétée.

 

  1. Comment s’intègre-t-elle à l’équipe médicale?

Les relations avec le personnel hospitalier requièrent parfois un tact fou. Il faut renvoyer l’image d’une professionnelle de la relation d’aide très au clair avec son champ de compétences, et très respectueuse de celui du personnel médical. Certaines font de l’accompagnement un combat, une cause à défendre avec plus ou moins de hargne. Ce n’est pas mon cas, la collaboration a bien meilleur goût.

 

  1. Est-elle une Ayatollah de l’accouchement naturel?

Si elle diabolise toute intervention médicale et menace de quitter la chambre si vous acceptez l’épidurale, c’est que vous êtes tombés sur un de ces spécimens. On peut être convaincue des bienfaits d’un accouchement physiologique, et reconnaître l’adéquation des outils médicaux dans certains cas. 85% des accouchements peuvent se dérouler naturellement. 15% requièrent une expertise et des outils médicaux que nous sommes très chanceux d’avoir ici, au Québec.

Surtout, une accompagnante doit être capable de mettre de côté ses propres choix pour vous accompagner dans les vôtres, avec le plus grand respect et sans jugement.

 

  1. Quand et où vous rejoint-elle lorsque le travail démarre?

Le sujet fait débat. Le sommeil est une denrée rare qu’il faut à tout prix préserver et chercher à engranger lors d’une naissance. Il est normal qu’une accompagnante cherche à retarder son départ de son lit douillet pour vous rejoindre, afin de maximiser ses forces pour le moment où vous aurez crucialement besoin d’elle: fin de travail actif, transition, poussée et délivrance. Accompagner les clients dans leur latence, c’est se griller des cartouches pour après. On cherche donc à palper l’ambiance et le stade du travail au téléphone pour partir au bon moment. Certaines doulas attendent que leurs clients aient été examinés au triage de l’hôpital pour arriver passés 4 centimètres.

Personnellement, je préfère rejoindre mes clients chez eux, en début de travail actif et même parfois en latence, quitte à dormir un peu sur place, pour les aider dans l’établissement d’une bulle solide qu’on va pouvoir transporter à l’hôpital.

 

  1. Est-elle formée en allaitement?

C’est indéniablement un gros plus! Le lien de confiance est déjà là, elle sait exactement comment s’est passé votre accouchement et pourra donc vous proposer des pistes de compréhension et de solutions aux problèmes que vous pourriez rencontrer (TOUTES les interventions obstétricales sont susceptibles d’avoir un impact sur l’allaitement), et comme vous allez allaiter une douzaine d’heures par jour en postpartum, autant que ça se passe bien et que vous soyez aussi entourée qu’en prénatal et pendant la naissance.

Si ce n’est pas le cas, elle doit vous conseiller de demander une marraine d’allaitement auprès de l’organisme Nourri-Source, vous parler de haltes-allaitement, de la Ligue La Leche et du Dr Newman, vous suggérer des lectures.