Il y a un an exactement, naissait mon fils. Un an d’amour démesuré, de patience, de questions, de tâtonnements, de dépassement de soi, et assez de lait maternel pour remplir un bain. Cet anniversaire me bouleverse et me secoue bien plus que je ne pouvais l’imaginer.
Il faut devenir maman pour comprendre qu’un anniversaire ne fête pas seulement la naissance d’un petit être, mais aussi celle de ses parents, et de sa famille, lorsque cet enfant est le premier né.
Mon Timour, petit amour, lutin farceur, hilare bambin, né ponctuel le jour où nous l’attendions depuis sa conception, au prix d’efforts dont je ne me serais jamais crue capable. Je t’ai poussé au monde avec ce rugissement de la mère qui accouche, cri de douleur et de victoire si intimement mêlées, hors de mon ventre qui t’avait nourri et bercé, avec l’énergie de la mère qui tient la vie de son enfant entre ses mains. J’ai respiré pour toi. Prié pour toi, pour ton petit cœur. Fait taire mon angoisse. Rassemblé chaque atome de mon être. Convoqué toute cette puissance qui vient aux nouvelles mères qui sont prêtes à laisser sortir leur petit.
Et je t’ai mis au monde.
Vif, lisse, en pleine santé. Duveteux et tellement improbable.
Je t’ai sauvé la vie pour que tu commences la tienne. Pour que tu inondes la nôtre de tous tes éclats de rire, pour que tu nous confrontes à nos doutes, à nos faiblesses et à nos ignorances, pour que tu nous apprennes à être de meilleures personnes.
Cette naissance où la mort nous a frôlés de si près, cette naissance-puissance où nous avons vaincu a fait de moi la mère que je suis. Bonjour-je-suis-la-maman-de-Timour. Que j’aime me présenter ainsi! Je serai probablement la maman d’autres enfants, dont tu seras fièrement le grand frère. Mais il n’y a qu’une maman-de-Timour, elle appartient à cette relation si étroite, si vivante, si émouvante qui nous unit tous les deux.
C’est aussi l’anniversaire de mon allaitement, et une fois de plus je prends conscience de par les émotions que ça soulève de sa place dans le continuum physiologique de la maternité. Ce lait qui coule, que tu bois toujours aussi goulûment, les yeux fermés dans une extase enviable, prolonge l’ambiance et les hormones de la grossesse et de l’accouchement. Ça n’a pas toujours été facile. Comme beaucoup, j’ai froncé les orteils dans les premières tétées, surveillant au millimètre près tes babines retroussées et l’angle entre ton menton et mon sein. J’ai pleuré à 3h du matin, les mamelons abrasés par une sollicitation continue. J’ai pleuré quand je croyais le lait tari, j’ai fêté le lait revenu. J’ai arrosé nos témoins à deux mètres à la ronde lorsque tu échappais brusquement le téton. Je me suis ruée au-dessus du lavabo pour m’y égoutter, après avoir inondé mes draps. J’ai tiré des litres et des litres de lait dans des endroits plus ou moins confortables, derrière un foulard ou au-dessus d’une BD. J’ai combattu le spectre de l’Affreuse Mastite avec des gouttes d’échinacée et des p’tites granules. J’ai relégué la moitié de ma garde-robe et tous mes soutien-gorges d’avant au fond de mon placard. Je me suis habituée à dormir en camisole d’allaitement. J’ai mouillé, lavé, étendu mille fois mes compresses en coton.
Mon congélateur est toujours plein, la tension dans mes seins me rappelle que tu dois prendre ton lait de la veille à la garderie, et je m’émerveille toujours de te voir sombrer dans le sommeil bercé par tes propres déglutitions. Ta peau rosée est pleine de moi, mes seins sont pleins pour toi.
Bon anniversaire, mon chéri.